domingo, 22 de dezembro de 2024

JBS, L´EUROPE ET LE MERCOSUR

 JBS, ce géant brésilien de la viande qui va profiter du traité entre lEurope et le Mercosur

 

La multinationale, principale productrice mondiale de protéines animales, devrait profiter du traité UE-Mercosur pour accroître sa présence sur le Vieux Continent, qui représentait 7 % de ses exportations en 2024.

Par Anne-Dominique Correa (Rio de Janeiro, correspondance)

 

Lusine de production de viande JBS à Alta Floresta, dans lEtat du Mato Grosso,

 

Si lannonce, le 6 décembre, de la conclusion de laccord entre le Mercosur et lUnion européenne agite les campagnes françaises, au Brésil, JBS sabre le champagne. La multinationale brésilienne, principale productrice mondiale de protéines animales, devrait profiter du traité pour accroître sa présence sur le Vieux Continent, qui a représenté environ 7% de ses exportations en 2024.

Laccord autorise les pays du Mercosur à exporter 99 000 tonnes supplémentaires de viande bovine, avec un droit de douane réduit à 7,5 %. « JBS produit la plupart des viandes haut de gamme du Brésil, qui sont les plus prisées en Europe », analyse Alessandro Francisco Trindade de Oliveira, de lInstitut fédéral du Parana, pour qui le Brésil « pourrait au moins doubler ses exportations de viande vers lUnion européenne ».

De quoi soutenir le groupe aux 364 milliards de reais (57,48 milliards deuros) de chiffre daffaires, qui pèse 13,3 milliards deuros en Bourse. Ses activités représentent 2,1 % du produit intérieur brut du pays et génèrent 2,73 % des emplois, selon une étude de la Fondation de lInstitut de recherche économique publiée en août 2023.

forestation massive

On est loin de la modeste boucherie familiale fondée en 1953 par les frères José Batista Sobrinho et Juvencio Batista, deux paysans originaires de Neropolis, dans lEtat de Goias, dans le centre-ouest du pays. Aujourdhui, la firme est en mesure dabattre 75 000 bovins, 14 millions de volailles et 147 000 porcs par jour. Elle possède plus de 10 unités dengraissement au Brésil, dune capacité de 2 millions de bovins.

Au Brésil, lexpansion du secteur agricole a été fortement encouragée durant la dictature militaire (1964-1985), qui voulait multiplier les élevages dans louest et le nord du pays, notamment pour « occuper » lAmazonie et la soustraire à la convoitise des puissances étrangères, au prix dune déforestation massive. Mais cest à partir des années 2000 que JBS, alors dirigé par Joesley et Wesley Batista, les fils de José Batista Sobrinho, connaît un essor international. Le groupe bénéficie du soutien de la Banque nationale pour le développement économique et social (BNDES) dans le cadre de la politique industrielle des gouvernements de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2011) et de Dilma Rousseff (2011-2016), qui cherchaient à promouvoir des « champions nationaux ».

La BNDES entre au capital de lentreprise et injecte 8 milliards de reais en échange du contrôle de 20 % des actions. Cette manne permet au groupe daccélérer son expansion à linternational avant une entrée en Bourse à Sao Paulo, en 2007. Le groupe concentre aujourdhui 25 % du marché mondial de la viande et des abats de bœuf, et opère dans 17 pays. Et il ne compte pas sarrêter là : la direction a annoncé, le 21 novembre, un investissement de 2,5 milliards de dollars (2,38 milliards deuros) sur cinq ans au Nigeria pour construire six usines de transformation de volaille, de bœuf et de porc.

Plusieurs scandales

Au Brésil, lentreprise a fait lobjet de plusieurs scandales. En 2017, les frères Joesley et Wesley ont avoué avoir versé 400 millions de reais de pots-de-vin à des politiciens. Deux mois plus tôt, son image avait déjà été entachée par une autre affaire : lentreprise avait été visée par une enquête de la police fédérale sur un système de corruption qui aurait permis la mise sur le marché de viande avariée, menant lUnion européenne à suspendre les importations issues des entreprises impliquées.

Si, dans un courriel adressé au Monde, JBS se défend en précisant qu’à l’époque « aucune de ses unités na été fermée », laffaire a laissé des traces. Le mercredi 20 novembre, Carrefour a décidé de cesser de vendre de la viande provenant des pays du Mercosur, évoquant un risque d« exigences environnementales et sanitaires moindres », avant de se raviser.

Pour Allan de Campos, spécialiste de limpact du secteur agroalimentaire sur la santé publique à luniversité dEtat de Sao Paulo, les Européens ont raison de se méfier. Au Brésil, le bétail « est alimenté de maïs et de soja qui contiennent de fortes quantités de pesticides, comme le glyphosate, et il subit des traitements antibiotiques », rappelle-t-il. En outre, il assure que les multinationales ne contrôlent le bétail que lorsquil est dans les fermes de finition, la dernière étape d’élevage avant labattage, ignorant donc les conditions sanitaires des autres fermes où les animaux naissent et sont engraissés.

Manque de contrôle

Ce manque de contrôle soulève aussi des doutes quant à la capacité des multinationales à freiner la déforestation. Près de la moitié du cheptel brésilien, qui a atteint un record de 238,6 millions de têtes en 2023, se concentre dans la région amazonienne, où lélevage extensif est le principal facteur de déforestation : entre 1985 et 2022, 77 % des terres déboisées ont ainsi été converties en pâturages, selon le collectif MapBiomas.

Selon le courriel envoyé au Monde, lentreprise « interdit les achats issus de propriétés qui déboisent illégalement » et « évalue quotidiennement des milliers dexploitations bovines potentielles à laide dun système de surveillance par satellite ». Mais, faute de contrôle sur ses fournisseurs indirects, JBS reste « lun des principaux moteurs de la déforestation » au Brésil, sinquiète Boris Patentreger, directeur France de lONG Mighty Earth, qui calcule que lentreprise serait responsable « du déboisement de 118 310 hectares de forêt » de février 2022 à juillet 2024, dont les trois quarts en Amazonie.

Anne-Dominique Correa (Rio de Janeiro, correspondance)

 

 

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