Chaque semaine, “Courrier international” explique ses choix éditoriaux et les débats qu’ils suscitent parfois au sein de la rédaction. Avant la présidentielle du 2 octobre, nous avons choisi de composer un numéro spécial sur le Brésil. Jair Bolsonaro va-t-il être battu par Lula, le revenant, donné favori ? D’ores et déjà, le président d’extrême droite a annoncé qu’il refuserait le résultat. Quel risque pour la démocratie ? Nous consacrons d’autre part 11 pages à la culture brésilienne : de la chanteuse Anitta aux auteurs noirs qui bousculent la scène littéraire, un panorama des nouveaux talents du pays.
Avant la présidentielle du 2 octobre, nous avons choisi de consacrer un numéro spécial au Brésil. Jair Bolsonaro va-t-il être battu par Lula, le revenant, donné favori ? COURRIER INTERNATIONAL
Partager
“S’il
remporte l‘élection, il pourra se vanter d’avoir fait le come-back, sinon du
siècle, au moins de la décennie.” Le 2 octobre, les Brésiliens élisent leur
président et c’est de Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, que le Financial Times parle ici.
Il faut dire que l’ancien ouvrier métallurgiste,
leader du Parti des travailleurs, élu deux fois consécutivement à la tête de
l’État brésilien entre 2002 et 2010, revient de loin. Emprisonné pour
plusieurs chefs de corruption en 2018, il aura passé en tout près d’un an et
demi dans les geôles fédérales. Avant d’être libéré, de retrouver ses droits
politiques et de faire son grand retour (et la une de Time en mai accessoirement, le prestigieux
magazine titrant alors : “Lula, acte II”) .
Ce n’est pourtant pas lui que nous avons choisi de
mettre en une à l’occasion de ce scrutin, mais bien son principal adversaire,
le président sortant Jair Bolsonaro, l’ancien militaire d’extrême droite, dont
l’élection en 2018, deux ans après celle de Donald Trump aux États-Unis, avait
provoqué un séisme dans un pays marqué par des années de dictature. Jair
Bolsonaro, qualifié depuis de “Trump tropical” pour
sa politique tout autant que ses méthodes, sera-t-il tenté par un scénario qui
s’inspirerait de l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021 à
Washington ? De nombreux commentateurs de la presse étrangère le
redoutent. Et nous leur donnons largement la parole dans ce numéro.
Pour Público, c’est
l’avenir de la démocratie qui se joue ni plus ni moins dans cette élection.
S’il perd, estime le quotidien portugais, le président sortant contestera le
résultat et “proposera un retour à la dictature”. Dans
le même ordre d’idées, un universitaire explique dans The New York Times que ce que veut Bolsonaro,
au fond, c’est le chaos permanent :
“Bolsonaro
n’a pas l’intention de quitter ses fonctions, quel que soit le verdict des
urnes. Mais ce n’est pas à un coup d’État qu’il songe – pour lequel il aurait
besoin du soutien des élites et de la passivité du peuple. Ce qu’il souhaite,
c’est une révolution.”
Toute la politique menée depuis quatre ans par
Bolsonaro plaide pour ce scénario, insiste l’auteur.
“Plutôt que
de diriger le pays, il a tout fait pour le dérégler. Il a refusé de pourvoir
des postes essentiels, placé à des postes importants des fidèles ne possédant
aucune compétence technique, coupé le financement de plusieurs programmes
sociaux, et il n’a pas mis en place la moindre réponse coordonnée pour faire
face à la pandémie de Covid-19, qui a fait plus de 680 000 morts au
Brésil.”
Le bilan économique de Jair Bolsonaro est
consternant – l’économie du pays est l’une des plus fermées du monde –, sans
parler de son bilan écologique. Il faut lire le témoignage d’Eliane Brum,
journaliste et écrivaine qui raconte les destructions de l’Amazonie, visibles
depuis sa fenêtre, dans El País América.
À lire aussi le reportage d’O Globo sur les classes moyennes au Brésil (dont
le vote sera déterminant pour l’issue du scrutin) pour mieux comprendre
l’état dans lequel Jair Bolsonaro laisse le pays. “L’extrême pauvreté a progressé de plus de 30 % l’année
dernière, pour toucher 14 % de la population”, explique
le Financial Times.
Quatre ans après l’élection d’un président
ouvertement raciste, misogyne et homophobe, il nous semblait important de
consacrer un numéro spécial au Brésil, ce géant d’Amérique latine qui est
peut-être en passe de tourner la page Bolsonaro, malgré les risques évidents
qui pèsent sur l’après-présidentielle.
Le pays est certes aujourd’hui plus divisé que
jamais. Il n’en reste pas moins qu’il est d’une richesse incroyable. Outre les
enjeux politiques du scrutin, nous avons voulu aussi montrer largement un autre
visage du Brésil, celui de sa créativité.
De la chanteuse Anitta – née dans une favela de Rio
et devenue aujourd’hui la meilleure ambassadrice d’une nouvelle génération
d’artistes issus de communautés autrefois marginalisées au Brésil –, aux
auteurs noirs qui bousculent la scène littéraire, de la dernière telenovela en
vogue au portrait d’une tiktokeuse en Amazonie, nous consacrons 11 pages
aux nouveaux talents de la culture brésilienne. Pour découvrir le Brésil
autrement. Bonne lecture.
Claire Carrard
Nenhum comentário:
Postar um comentário