Escale à São Paulo, la nouvelle Babylone
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Des forêts de tours à perte de vue, des embouteillages
ubuesques, un permanent nuage de pollution… La carte postale de São Paulo, a
priori, ne fait pas rêver. Capitale économique du Brésil, elle a le rythme des affaires dans la
peau, bien avant celui de la samba. On vit en accéléré dans un chaos incessant
sur terre et dans les airs – le ballet d'hélicoptères est impressionnant. Et
pourtant « Sampa », comme on l'appelle ici, a de quoi séduire avec sa
scène culturelle vibrante et ses tables qui sont les meilleures du pays. Tentaculaire,
sa taille de 1521 km (contre 105 km pour Paris) appartient au monde des géants.
C'est peut-être cela qui fascine autant. Comment vit-on au milieu de plus de 20
millions d'habitants ?
L'entrepreneur français Alexandre Allard n'a pas la
réponse, mais donne des pistes pour la ville de demain. Son dernier projet, la
Cidade Matarazzo, est une folie des temps modernes. Habité par l'urgence de
préserver la planète, il met en scène le joyau vert brésilien, réconciliant
nature et jungle urbaine. Des jardins suspendus de Babylone, version XXIe
siècle. Dix mille arbres et arbustes seront plantés dans cette ancienne
maternité, longtemps abandonnée, qui accueillera sur près de 30.000 m² des bureaux, un
studio d'enregistrement, un cinéma, un centre culturel, des boutiques et une
multitude de restaurants. Pour l'heure, seul l'hôtel Rosewood, le premier en
Amérique du Sud, est ouvert. Il a été aménagé par Philippe Starck. Des
marqueteries au marbre, tout est local. L'art brésilien est omniprésent et se
mêle subtilement à l'architecture. Il en est ainsi de l'intervention minimaliste
du carioca Daniel Senise, qui célèbre la mémoire et le temps qui passe :
des pans de murs anciens couverts de graffitis, dont il a conservé – et
souligné – la beauté surannée, apparaissent comme une surprise dans l'un des
couloirs.
Dans la Cidade
Matarazzo, la tour Mata Atlântica de Jean Nouvel fait partie du nouvel hôtel
Rosewood São Paulo.
Mais c'est la tour Mata Atlântica, de Jean Nouvel, en
cours de finalisation, qui attire tous les regards, avec ses arbres de plus de
14 mètres qui l'habillent et le bois suggéré dans le bardage. « Il n'était pas
possible d'en utiliser sur la façade d'un immeuble de cette hauteur, donc j'ai
intégré du métal de la couleur du bois, un peu ambigu, me permettant de
réaliser une harmonie avec l'environnement », explique l'architecte. Sa tour
voisine avec un autre bâtiment, signé par Rudy Ricciotti, enveloppé par des
racines-troncs et baptisé Ayahuasca, plante psychotrope utilisée par les tribus
indiennes.
Utopie
verticale et végétale
La boutique-atelier de Paula Raia de l'architecte Jean Nouvel.
La nature est
reine à la Cidade Matarazzo alors qu'elle est à deux pas de la célèbre avenue
Paulista, Champs-Élysées locaux, puissance 10. On la parcourt de préférence le
dimanche à pied – avant qu'elle ne soit rendue aux voitures à 16 heures. Il y
flotte alors un air joyeux de fête populaire entre odeur de maïs grillé et
accords de guitare. Le musée d'art MASP est le symbole de l'avenue. Juché sur
des pilotis de béton, il fut imaginé par l'italienne Lina Bo Bardi dans les
années 1960, créant ainsi une visibilité sur le parc voisin et un lieu
d'échange dans l'espace public. Un geste architectural, mais aussi politique
après le coup d'État militaire de 1964 qui musela la liberté d'expression. Plus
loin, se dressent le centre culturel de la Japan House, dessiné récemment par
l'architecte Kengo Kuma, et l'Institut Moreira Salles aux très bonnes
expositions de photographie. « São Paulo est une ville chaotique. Elle
manque de personnalité, mais c'est justement ce qui fait sa personnalité », remarque le
Pauliste Isay Weinfeld, l'un des architectes contemporains les plus connus du
Brésil. Beaucoup
de bâtiments sont sécurisés. Ils sont entourés de murs et dénués de jardins
ouverts. » Inspiré par le cinéma (Tati, dit-il, est son « maître »), son nom
est associé aux fameux restaurants Fasano qu'il a dessinés (le dernier était
à New York). On lui doit aussi l'une des
librairies Livraria (sur le point de fermer) aux vitrines géantes, servant de
bibliothèque mobile et de porte d'entrée à la fois, ainsi que la sublime
boutique atelier de la créatrice Paula Raia.
La
ville où le béton est roi
Sans la famille Ohtake, São Paulo ne
serait pas la même. La mère, Tomie (1913-2015), connut un succès phénoménal.
Ses peintures et sculptures colorées ornent la ville. Son fils Ruy (1938-2021),
architecte, est l'auteur de l'Hotel Unique, de l'Institut Tomie Ohtake, aux expositions
de haut vol, et du merveilleux Studio Tomie Ohtake, qui se visite sur
rendez-vous. Rodrigo, son fils, la quarantaine, a lui aussi plongé dans
l'architecture : « Je n'avais pas le choix. J'ai grandi en mangeant du
béton ! ». Son oncle Ricardo, devenu commissaire d'exposition après des
études d'architecte (lui aussi !), ajoute : « Le béton est un matériau très
utilisé ici pour sa flexibilité. Le Corbusier a eu une grande influence au
Brésil. Nos architectes sont tous ses enfants. »
Signé par Ruy Ohtake, l'Hotel Unique est une expérience architecturale à vivre.
Pas tout à fait. Eduardo Longo ne se revendique
d'aucune école. À peine visible de la rue, sa Casa Bola est une curiosité
saluée par Rem Koolhaas. Cette sphère des années 1970, posée sur le toit de la
maison, déroule des intérieurs tout en rondeur, blancs du sol au plafond. Elle
a la douceur d'un rêve utopique tout comme sa jumelle, peinte en rouge que l'on
peut louer au mois. Enfin, havre de fraîcheur parmi les lances de béton et de
verre, il faut découvrir le Parque do Ibirapuera, Hyde Park local, qui, le
week-end, est envahi par les habitants qui roulent des mécaniques, en draguant
gentiment. Là, comme en écho à la sensualité des corps, on apprécie les lignes
acérées de la Biennale, de l'auditorium et les rondeurs de l'Oca, le palais des
expositions d'Oscar Niemeyer, le maître brésilien.
Carnet
pratique
VOIR -Pinacoteca de São Paulo
Pinacoteca de São Paulo est le plus vieux musée d'art de la ville.
Fondé en 1905, c'est le plus vieux musée d'art de la
ville. À la fin des années 1990, l'architecte Paulo Mendes da Rocha a
brillamment rénové le bâtiment, laissant les murs en brique apparentes tout en
créant des passerelles en acier. Époustouflant comme les expositions centrées,
principalement, sur des artistes brésiliens du XIXe siècle à aujourd'hui. À
côté, l'extension, Pinacoteca Contemporânea, devrait ouvrir fin 2022.
Casa de Vidro
Casa de Vidro.
Le premier projet de l'architecte, designer et
scénographe star Lina Bo Bardi fut sa propre maison, mêlant éléments
modernistes et vernaculaires. Aujourd'hui envahi par la végétation, l'étage
s'ouvrait autrefois sur le ciel, répondant alors au sol carrelé bleu et
accueillant le mobilier qu'elle avait dessiné.
FLÂNER
SESC POMPÉIA
SESC Pompéia, une usine transformée en centre de loisirs et de culture.
Il y a quelque chose de théâtral et de rugueux dans
cette usine transformée en centre de loisirs et de culture. L'architecte Lina
Bo Bardi a conservé les bâtiments initiaux en y ajoutant une impressionnante
tour de onze étages en béton armé, où se tiennent expositions (Amazonia de Sebastião
Salgado jusqu'au 31 juillet), lectures, ateliers…
L'atelier et la boutique de Paula Raia dans un cube de béton.
À la demande de sa cliente créatrice de mode,
l'architecte Isay Weinfeld a rassemblé sous le même toit l'atelier et la
boutique dans un élégant cube de béton. En profiter pour se balader le long de
la rue qui compte d'audacieuses architectures de boutiques.
La fabrique Dengo Chocolates
La fabrique Dengo Chocolates a installé une boutique au rez-de-chaussée, doublée d'un bar au délicieux chocolat chaud.
L'agence Matheus Farah e Manoel Maia Arquitetura a
installé une boutique au rez-de-chaussée, et bar au délicieux chocolat chaud.
Il n'y a pas meilleure place pour observer le raffinage des fèves qui arrivent
par des conduits transparents dans un atrium central. Au premier, on produit
ses tablettes personnalisées et, au second, on déjeune sur une charmante
terrasse.
Aizomê
Aizomê, le restaurant de la chef Telma Shiraishi.
Après les nourritures spirituelles des expositions à
la Japan House suivent les nourritures de la chef Telma Shiraishi. Sa cuisine
contemporaine est une façon, aussi, de rendre hommage à la communauté japonaise
de São Paulo, la seconde hors du Japon.
RÊVER
Hotel Unique
L'hôtel Unique
et sa porte de 7,5 mètres s'ouvrant sur un espace de 25 mètres de haut.
Il porte bien son nom. Ce bâtiment, à la forme d'une
arche inversée, offre une expérience architecturale signée Ruy Ohtake. On y
entre par une porte de 7,5 mètres s'ouvrant sur un espace de 25 mètres de haut.
L'ascenseur ? Aussi sombre que les couloirs qui mènent aux chambres
lumineuses et bien pensées. Le toit terrasse est coiffé d'un bar et d'une
piscine jouxtant le restaurant, qui offre une des plus belles vues de la ville.
Rosewood São Paulo
Le Rosewood
São Paulo célèbre la culture brésilienne, de la nature à l'art contemporain en
passant par l'artisanat.
À peine ouvert, cet hôtel est devenu la coqueluche de
la ville. Tout ici célèbre la culture brésilienne, de la nature à l'art
contemporain en passant par l'artisanat. Un luxe subtil habille les chambres
aux sublimes salles de bains en marbre local. Parmi les restaurants, on
piochera avec gaieté dans les plats à partager de la table Taraz aux saveurs de
l'Amérique du Sud.
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