quarta-feira, 11 de outubro de 2023

TRANSFÉRER DE L´ARGENT AU HAMAS...

 CheckNews

Nétanyahou a-t-il dit que «transférer de l’argent au Hamas» était la bonne stratégie pour «contrecarrer la création d’un Etat palestinien» ?

Israël-Palestine, conflit sans fin?dossier

Sur les réseaux sociaux circule, depuis l’attentat du Hamas samedi 7 octobre, une citation attribuée au Premier ministre d’Israël. En 2019, il s’était justifié d’avoir autorisé le Qatar à acheminer vers Gaza des fonds destinés à payer les fonctionnaires du Hamas.
par Service Checknews
publié aujourd'hui 
Question posée par Chal le 9 octobre

Alors que le bilan de l’attaque du Hamas en Israël, samedi 7 octobre, ne cesse de s’alourdir, vous nous interrogez sur l’authenticité d’une citation, abondamment reprise ces derniers jours sur les réseaux sociaux et attribuée au Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou : «Quiconque veut contrecarrer la création d’un Etat palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie.»

Des propos rapportés dans la presse nationale, notamment dans un article du quotidien Haaretz paru lundi 9 octobre. Selon ce dernier, ils auraient été tenus «lors d’une réunion des membres du Likoud [élus au Parlement israélien] en mars 2019».

Ces propos sont également évoqués, dans les mêmes termes, dans une tribune publiée le 19 mai dans le journal Maariv par l’ancien ministre israélien Haïm Ramon, qui lui attribue la même origine : «Je voudrais citer Nétanyahou lui-même qui, lors d’une réunion à huis clos qu’il a tenue le 11 mars 2019 avec des membres du Likoud, a déclaré : “Le transfert de l’argent fait partie d’une stratégie visant à séparer les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie. Quiconque s’oppose à la création d’un Etat palestinien devrait soutenir le transfert de fonds du Qatar vers le Hamas, de cette façon nous contrecarrerons la création d’un Etat palestinien.”»

Le Times of Israël, dimanche, notait également que «selon différentes informations, lors d’une réunion de la faction du Likoud au début de l’année 2018, [Nétanyahou] aurait déclaré que ceux qui s’opposent à un Etat palestinien devraient soutenir le transfert de fonds vers Gaza, car le maintien de la séparation entre l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas à Gaza empêcherait la création d’un Etat palestinien». L’année, 2018, qu’aucune autre source ne vient corroborer semble erronée.

«Une injection vitale»

En revanche, la référence à 2019 du Haaretz et de la tribune dans Maariv permet de remonter à un article publié dans le Jerusalem Post, signé par la journaliste Lahav Harkov. Elle rend compte d’une réunion tenue le 11 mars, réunissant Nétanyahou et des parlementaires de son parti.

Cette réunion s’est déroulée dans un contexte spécifique : courant 2018, Israël a officiellement accepté que le Qatar achemine de l’argent vers Gaza, pour payer les 22 000 fonctionnaires civils du Hamas. «Une injection de cash vitale», écrivait à l’époque Libérationalors que la bande de Gaza était «au bord d’une crise humanitaire majeure».

Dans son article de mars 2019, Lahav Harkov explique qu’au cours de la réunion, «le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a défendu le fait qu’Israël autorise régulièrement le transfert de fonds qataris vers Gaza, en affirmant que cela fait partie d’une stratégie plus large visant à maintenir la séparation entre le Hamas et l’Autorité palestinienne», précisant qu’elle tenait l’information d’une source présente lors de la réunion du Likoud à la Knesset.

Toujours selon cet article, Nétanyahou aurait expliqué que, par le passé, l’Autorité palestinienne avait transféré des millions de dollars au Hamas à Gaza. «Selon lui, explique Lahav Harkov, il est préférable qu’Israël serve de “pipeline” pour s’assurer que les fonds n’aillent pas au terrorisme.» Vient alors «la paraphrase» d’une déclaration du président du Likoud, proposée par le témoin : «Maintenant que nous supervisons, nous savons que les fonds sont destinés à des causes humanitaires.»

«“Protection” de type mafieux»

Dans la suite du texte, on trouve une citation partielle, proche (mais distincte) des propos récemment attribués à Nétanyahou par Haaretz : le Premier ministre «a déclaré que “quiconque est opposé à un Etat palestinien devrait être favorable” au transfert des fonds vers Gaza, car le maintien d’une séparation entre l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas à Gaza contribue à empêcher la création d’un Etat palestinien». Seuls les mots «quiconque est opposé à un Etat palestinien devrait être favorable» sont attribués à Nétanyahou, le reste se voulant une paraphrase de ses propos.

Plus loin dans le même article, on peut lire que «les dirigeants des différents partis politiques ont critiqué la politique de M. Nétanyahou à l’égard de la bande de Gaza en général et des paiements en particulier. [La coalition de partis Bleu et blanc] appelle à ne plus autoriser de transfert de fonds au Hamas, qualifiant ces paiements de “protection” de type mafieux. Avigdor Liberman, chef du parti Yisrael Beytenu, qui a démissionné de son poste de ministre de la Défense en raison de la politique menée à l’égard de Gaza, a déclaré samedi que ces paiements constituaient une “décision misérable”, marquant “la première fois qu’Israël finance le terrorisme contre lui-même”».

Interrogée par CheckNews, la journaliste Lahav Harkov précise qu’au cours de la réunion à laquelle a assisté sa source, «on a demandé à M. Nétanyahou pourquoi Israël autorisait le Qatar à aider les Palestiniens à Gaza. Comme vous le voyez dans l’article [publié en 2019], la citation [de Nétanyahou] ne correspond pas exactement» à celle qui circule ces derniers jours sur Internet. «Nétanyahou était critiqué pour sa politique et il l’a défendue en avançant deux arguments : premièrement, il était en mesure de superviser la destination des fonds, précise-t-elle. Deuxièmement, cette politique crée un fossé entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, ce qui est bénéfique pour Israël.»

«Du cash pour du calme»

A l’époque du premier transfert de fonds qatari vers Gaza, Libération avait noté qu’une partie de la presse israélienne voyait là une «rançon» donnée en échange d’une baisse de l’intensité des rassemblements hebdomadaires le long des barbelés frontaliers. Du «cash pour du calme», en somme, expliquaient alors les médias nationaux.

Dans l’article publié par le Times of Israël dimanche, l’idée que Nétanyahou a joué un jeu dangereux avec le Hamas est exprimée avec vigueur par la journaliste Tal Schneider. «Les différents gouvernements [qu’il a dirigés] ont adopté une approche qui divisait le pouvoir entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, en mettant à genoux le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, tout en prenant des mesures qui renforçaient le groupe terroriste palestinien du Hamas.»

La journaliste rappelle que l’argent qatari permet à Israël de «maintenir son fragile cessez-le-feu avec les dirigeants du Hamas dans la bande de Gaza. […] La plupart du temps, la politique israélienne consistait à considérer l’Autorité palestinienne comme un fardeau et le Hamas comme un atout. Le député d’extrême droite Bezalel Smotrich, chef du Parti sioniste religieux et aujourd’hui ministre des Finances, l’avait lui-même déclaré en 2015».

Concernant les propos attribués à Nétanyahou, Tal Schneider explique que «bien que [le Premier ministre] ne fasse pas ce genre de déclarations publiquement ou officiellement, ses propos sont conformes à la politique qu’il a mise en œuvre».

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