quinta-feira, 9 de junho de 2022

LE BRÉSIL DE LA FAIM

 LE MONDE



Le Brésil confronté au retour de la faim

Les spécialistes estiment que le pays de Jair Bolsonaro a régressé de trente ans sur cette question. En 1998, comme aujourdhui, près de 32 millions de Brésiliens souffraient de la faim.

Par Anne Vigna(Rio de Janeiro, correspondance)

Publié aujourdhui à 10h00, mis à jour à 10h34 

 

Le chiffre est sorti en « une » de toute la presse brésilienne, mercredi 8 juin : 33,1 millions de Brésiliens souffrent de la faim, un nombre qui a presque doublé en un an. Ils étaient 14 millions en décembre 2020, lors de la précédente étude sur le sujet, également menée par le Réseau brésilien de recherche sur la souveraineté et la sécurité alimentaires et nutritionnelles (Rede Penssan).

 

« Laugmentation vertigineuse de ce chiffre nous a surpris. Aujourdhui, 15 % des foyers connaissent la faim, et 30 % des familles sont en insécurité alimentaire. Cela représente 125 millions de Brésiliens qui connaissent un certain degré dinsécurité alimentaire, sur une population totale estimée à 213,3 millions dhabitants », explique Ana Maria Segall, professeure en nutrition de luniversité de Campinas, membre du réseau Penssan.

 

La dégradation de la situation est dautant plus regrettable, rappellent les spécialistes, que le Brésil avait fortement réduit cette extrême pauvreté ces dernières décennies, au point davoir été rayé de la « carte de la faim » par lOrganisation des Nations unies pour lalimentation et lagriculture (FAO), en 2014. A l’époque, seulement 4,2 % des familles en souffraient encore, grâce à une série de programmes lancés par les gouvernements du Parti des travailleurs (2003-2015).

 

« Gestion chaotique de la pandémie de Covid-19 »

Ladministration Bolsonaro ne serait cependant pas la seule responsable de cette détérioration : sous le gouvernement de son prédécesseur, Michel Temer, le gel pendant vingt ans des dépenses de lEtat, inscrit dans la Constitution, a eu un effet désastreux sur les plus précaires, selon cette étude. Un exemple parmi dautres : le budget pour laide à lalimentation était de près de 100 millions deuros en 2012. En 2019, il est passé à 7,8 millions, soit une diminution de 93 %. Aujourdhui, il a quasi disparu.

En outre, le Brésil est passé dune situation de quasi-plein emploi en 2014, avec 4,8 % de chômage, contre 10 % en 2016 et près de 13 % actuellement. « La gestion chaotique de la pandémie [de Covid-19] a fortement augmenté lendettement des ménages, qui doivent payer dautres dépenses, comme le loyer, avant de salimenter », observe Ana Maria Segall.

 

Lire aussi : Au Brésil , 12 millions de familles mangent grâce à une bourse

 

La mise en œuvre dune nouvelle aide sociale – Auxilio Brasil (Aide Brésil), au lieu de Bolsa Familia (Bourse Famille) – par lactuel gouvernement, en novembre 2021, na eu aucun effet sur lextrême pauvreté, même si son montant a presque doublé. « Le cadastre nintègre pas les nouvelles familles et linflation sur les aliments rend caduque laugmentation de son montant », se désole encore la spécialiste.

 

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