quinta-feira, 14 de outubro de 2021

LE FIGARO: PREVENT SENIOR

 

COVID-19 : DOUTEUSES EXPÉRIENCES MÉDICALES AU BRÉSIL

 

UN GROUPEMENT HOSPITALIER EST ACCUSÉ D’AVOIR TESTÉ CLANDESTINEMENT UNE FORMULE À BASE D’HYDROXYCHLOROQUINE SUR 600 PATIENTS.

JEANTET, DIANE

 

AMÉRIQUE DU SUD C’est peut-être le plus grand scandale sanitaire de l’histoire du Brésil. Les témoignages d’une douzaine de médecins de Prevent Senior, important groupement hospitalier et service de mutuelle pour personnes âgées, font froid dans le dos.
Prevent Senior est accusé d’avoir mené au sein de ses hôpitaux une étude clinique clandestine, hors de tout cadre juridique et scientifique, afin d’étudier les effets de plusieurs médicaments sur plus de 600 patients atteints du Covid-19. Dès les premiers symptômes, ces médecins disent avoir été obligés par leur hiérarchie de prescrire le fameux « kit Covid », ou « traitement précoce », un cocktail de médicaments comprenant l’hydroxychloroquine, un antipaludique, et l’ivermectine, un antiparasitaire utilisé pour combattre certains vers tropicaux.
La commission parlementaire chargée d’enquêter sur la gestion de la pandémie par le gouvernement brésilien suspecte Prevent Senior d’avoir en outre altéré les certificats de décès de plusieurs patients pour que les conclusions de l’étude soient plus conformes avec la vision du président Jair Bolsonaro, grand défenseur de l’hydroxychloroquine.
« Les accusations qui ont fait surface pendant la pandémie sont extrêmement graves. Gravissimes », estime Walter Cintra, professeur en gestion des services de santé à la Fondation Getulio Vargas. « Je pense qu’il s’agit peut-être d’un des plus grands scandales sanitaires de l’histoire du Brésil. »
Au début de la pandémie, une partie de la communauté scientifique internationale s’est réjouie des résultats prometteurs de l’hydroxychloroquine en laboratoire. Mais, lors de son application in vivo, la molécule antipaludique rendue célèbre par Didier Raoult déçoit. Dès mai 2020, plusieurs études montrent son inefficacité, voire son potentiel danger pour les patients atteints du Covid-19. Mais, alors que le Brésil devient l’épicentre mondial de la pandémie, hauts fonctionnaires, diplomates et le président lui-même continuent de se mobiliser pour promouvoir son utilisation. Le rapport des médecins de Prevent Senior, étayés par de nombreux documents et messages téléphoniques, pourrait signifier que le gouvernement avait trouvé un allié pour mettre en pratique ses convictions.
Walter Correa de Souza Neto, l’un des rares médecins à témoigner à visage découvert, s’est présenté ce mois-ci devant les membres de la commission d’enquête, dont les travaux sont retransmis à la télévision. « J’ai été pompier militaire pendant quatre mois, j’ai été policier civil pendant dix ans. Même dans une institution militaire, la hiérarchie n’était pas aussi rigide qu’à Prevent Senior »,confie le jeune urgentiste. Ce trentenaire raconte comment il a tenté de contourner les ordres de sa hiérarchie, tout en essayant de sauver sa peau. « J’ai averti les patients qu’il n’y avait aucune preuve, qu’il s’agissait d’un protocole institutionnel », explique-t-il.

Une solide réputation 

Suit le témoignage de Tadeu ­Federico de Andrade, atteint de Covid-19 et interné dans un hôpital Prevent Senior en décembre 2020, dont la fille a empêché in extremis le transfert en soins palliatifs. L’avocat de 65 ans, le souffle court après un mois passé en soins intensifs, retrace son calvaire, depuis le jour où un médecin de Prevent Senior lui fait livrer à domicile un « kit Covid » pour soigner une grosse fièvre, jusqu’au jour où l’on annonce à sa fille qu’il lui sera administré une « bombe de morphine » pour qu’il finisse ses jours « dignement ».
Ces récits horrifient les Brésiliens autant qu’ils stupéfient la communauté médicale. Depuis son lancement, dans les années 1990, Prevent Senior s’est bâti une solide réputation, visant une population âgée qui n’a souvent pas les moyens d’intégrer les institutions traditionnelles, trop onéreuses. Avec plus de 3 000 médecins, 12 000 fonctionnaires et un demi-million de bénéficiaires, c’est le plus grand groupement hospitalier de Sao Paulo, avec des antennes à Rio de Janeiro, Porto Alegre et Curitiba.
Son directeur, Pedro Batista Junior Senior, tentera d’expliquer à la commission parlementaire qu’il ne s’agissait pas d’une étude clinique, mais d’une « simple observation de 630 patients ». Pour le reste, Batista Junior nie tout en bloc : le dossier est une « véritable horreur » élaborée avec des informations dérobées sur des serveurs informatiques de l’entreprise, puis manipulées. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes.


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